Le travail photographique de Sophie Meier sur l’Architecture prend une dimension encore plus fascinante lorsqu’elle explore des bâtiments en suspens.
De nombreuses constructions, autrefois symboles de modernité et de pouvoir, sont aujourd’hui confrontées à des transformations profondes, destinées à les adapter au monde contemporain ou à leur redonner une nouvelle vie.
Dans ses photographies, elle capte cette transition, ce passage d’une époque à une autre, où ls matériaux et les lignes sont parfois remodelés, reconvertis ou abandonnés, devenant les témoins d’une époque révolue.
Les bâtiments brutalistes, souvent considérés comme des reliques d’une époque architecturale révolue, sont aujourd’hui dans un processus de mutation. Certains subissent des rénovations, tandis que d’autres sont partiellement démolis ou transformés pour accueillir de nouvelles fonctions. Sophie Meier, en observant ces espaces, capte non seulement la puissance brute de ces constructions, mais aussi leur évolution, leur capacité à se réinventer pour répondre aux besoins contemporains
La présence de la nature dans le travail de Sophie Meier est un acteur important, silencieux, un contrepoint organique à l’architecture, et un marqueur du temps. Elle participe pleinement à cette poétique de l’Avant, du basculement, du vivant, présent et en force. La force du bâti, l’état transitoire des espaces promis à une mutation. Les murs murmurent : les fissures, les éclats, le silence qui prend possession des lieux. Dans ces brèches, la nature elle-même s’infiltre : Herbes folles sur le béton, ronces qui envahissent un escalier, mousse sur les sols, lumière filtrée par des vitres brisées — autant de signes d’une reconquête silencieuse du vivant. Le vivant ne cesse jamais, il coexiste, il complète l’Architecture. Et dans cet instant-là, la nature entre dans le cadre, comme un rappel que l’architecture n’est jamais seule, qu’elle vit, respire, et se transforme.
Ce travail d’archive sensible donne une voix aux lieux, révélant leur poétique de l’usure, leur charge émotionnelle, leur vérité nue. La présence végétale dans ces scènes, loin d’être un simple décor, rappelle que le temps, la nature et la mémoire œuvrent ensemble pour recomposer une forme d’équilibre.
Photographier c’est aussi interroger notre rapport au patrimoine, à l’histoire, et à l’écosystème. Chaque image devient un document de transition, un témoignage précieux d’un état voué à transition, où l’humain et le non-humain se croisent une dernière fois. Son regard scénarise le vivant qui s’y glisse, tenace et patient.
Ce travail, à la fois esthétique, écologique et anthropologique, nous invite à reconsidérer ce que nous réinventons au nom du renouveau. Il souligne combien la beauté peut résider dans le vide, le transitoire, l’indompté — et dans cette nature qui revendique avec force sa place.
En fixant l’instant où les bâtiments deviennent invisibles à nos regards, elle nous invite à ralentir, à observer, et à penser l’architecture comme un processus vivant.
Le travail de Sophie Meier s’inscrit dans une réflexion sur la temporalité de l’architecture et la mémoire des espaces urbains. En photographiant des lieux en état de suspension, son approche dépasse la simple documentation : elle capte l’âme d’un lieu au moment précis où celui-ci cesse d’être ce qu’il était, sans encore être devenu ce qu’il sera.
Elle photographie des lieux abandonnés ou inactifs non comme des ruines, mais comme des espaces habités par une mémoire encore vive. Ce temps suspendu, que ses images révèlent, crée une forme de poétique du vide.
Michel Butor a écrit : «On n’est pas le même partout. […] Certains lieux sont particulièrement actifs, révélant des parties de nous mêmes que nous ignorions; c’est ce que j’appelle leur génie» m’appuyant sur la tradition latine. Souvent c’est parce qu’ils sont façonnés par l’homme, qu’ils sont la matérialisation d’une culture ou d’une époque. Parfois un grand artiste, un architecte par exemple, les a façonnés ; mais la plupart du temps ils se sont mis à plusieurs et les époques se superposent.
Ainsi, au-delà de la beauté brute et intemporelle du béton, ses photographies évoquent la résilience de l’Architecture, souvent Brutaliste et Moderne, face au passage du temps et aux besoins changeants de la société. Elles illustrent un futur où ces bâtiments, loin d’être condamnés à l’oubli, peuvent se métamorphoser et continuer à être des espaces vibrants et pertinents dans un monde en perpétuelle transformation.
Fruit de treize années de travail, cet ouvrage rassemble plus de 200 photographies réalisées entre 2012 et 2025. Conçu comme un atlas sensible de l’architecture en mutation, il mêle photographies, textes et instants documentaires. Les textes de Sophie Meier accompagnent les images dans une écriture sobre et réflexive.
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